I
Un jour de juin de cette année-là,
Un jour de pluie, de froideur et de peine
Les anges noirs du führer, de la haine,
Pluie de cercueils sur le peuple s’abat.
La croix gammée et honteuse a brûlé ;
L’aigle noir du diable a été vaincu
Mais pour assouvir leur race déchue,
Sur un innocent ils se sont vengés.
La vengeance d’un pays sur un homme,
Pour l’infâme plaisir de tuer…
Sans pitié, le mal a choisi la paix
Du poète blottit dans son royaume
II
Ils t’ont enfermé dans le cachot noir
Celui qui est juste au fond du couloir.
Et tous les soirs, ils venaient te chercher,
Pour te faire parler sous les coups de fouets.
Mais le poète impeccable est le roi
Des mots et survolte ses ennemis,
Et sous la flamme tu n’as pas trahi
Ton bien et les tiens car tu as la foi.
La foi pure et dure de l’homme de Dieu
Qui supporte les coups sourds de la lame
De l’océan tu as quand même une âme !
D’oublier tes souffrances dans les Cieux.
III
Ils ont pris l’or d’une aiguille de feu,
Transpercée la folie de tes deux yeux.
Mais tous les soirs tu voyais ton poème.
Ô, rien ne violera ce que tu aimes !
La flèche impure au creux de tes tympans,
Tu ne les entendais plus jouir sous terre.
Mais tous les soirs tu entendais les vers
Chanter leur douce harmonie, loin du vent.
Gicler le sang noir sous la scie rugueuse.
Dix doigts et une langue éparpillés
En rond sur le sol. Ecrire et crier
Ne sont plus. Seule la pensée furieuse.
IV
Mais pour les tiens tu vivais quand même.
Tu n’oublieras jamais ceux que tu aimes.
Et tous les soirs tu ris. Tu es heureux
Tes sens envolés, l’esprit vaporeux.
Tard le dernier soir ils t’ont emporté,
Pour la dernière fois tu as souffert.
Puis ils ont ouvert tes veines de fer.
Et d’espoir, toute ta force revenait.
Dans le dernier souffle de son sang,
De courage, il s’est levé, en riant
Des nazis, du ciel obscur, du néant,
Briser le diable, comme un innocent.
octobre 1988